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LOUISE LABÉ.

privées de la femme qu’aux rares talents du poëte : à les en croire, elle fut la plus irréprochable des épouses.

Ce qui confirme cette opinion, c’est que la meilleure compagnie se rassemblait dans sa demeure et que les étrangers de distinction eux-mêmes recherchaient, au témoignage de Colletet, l’honneur d’y être admis. Les conversations, dont elle était l’âme, y étaient non-seulement enjouées et ingénieuses, mais savantes ; en un mot, la considération qui l’entourait et le bon ton des réunions dont elle était le centre concourent à indiquer qu’elle n’avait nullement franchi dans sa vie les règles de la décence. Son mari, qui mourut avant elle et dont elle n’avait pas eu d’enfants, lui laissa de plus, en la nommant son héritière, un témoignage de tendresse et d’estime qui dépose en sa faveur.

Quoi qu’il en soit, ce qui est hors de doute, c’est le cachet non vulgaire de ses poésies, qu’elle s’excusait d’avoir fait paraître elle-même[1], en alléguant qu’elle ne les mettait en lumière que par égard pour quelques-uns de ses amis, « qui avaient trouvé moyen de les lire sans qu’elle en sût rien et qu’elle n’avait pas osé éconduire. » Elles n’étaient donc arrivées jusqu’au public que par une sorte de violence faite à sa modestie. Si les femmes poëtes étaient en effet nombreuses au seizième siècle, il n’en était pas de même des femmes auteurs. On obéissait à l’inspiration, à la muse, à la provocation de telle ou telle personne, de tel ou tel événement ; on n’écrivait pas avec calcul et en vue de l’impression : ce

  1. Chez Jean de Tournes. Lyon, 1555.