siège de Rabasteins. Il avait alors près de soixante-huit ans.
Un coup de balle à jour perça ma face…
lui a fait dire le poëte de Brach ; et c’était au moment de
l’assaut qu’il fut atteint, ainsi qu’il l’a raconté lui-même
en ces termes : « Comme je me retournais en arrière,
dit-il, pour commander qu’on apportât deux échelles,
l’arquebusade me fut donnée par le visage, du coin d’une
barricade qui touchait à la tour… Tout à coup je fus
tout sang : car je le jetais par la bouche, par le nez et
par les yeux. » Alors, sans s’émouvoir, éloignant ceux
qui voulaient le soutenir, il s’efforça de parler pour exciter
les soldats, troublés par sa blessure, à continuer
le combat. Mais sentant ses forces l’abandonner : « Je
m’en vais me faire panser, dit-il ; que personne ne me
suive, et vengez-moi, si vous m’aimez. Je n’y voyais
presque point, ajoute Montluc, et trouvant un petit
cheval d’un soldat, j’y montai comme je pus, aidé d’un
gentilhomme, et ainsi fus conduit à mon logis, là où
je trouvai un chirurgien qui me pansa. Il m’arracha
les os des deux joues avec les doigts, si grands étaient
les trous, et me coupa force chair du visage, qui était
tout froissé. » Bientôt, et lorsqu’on le pleurait déjà
comme perdu, apprenant que ses troupes étaient maîtresses
de la ville, il s’écriait : « Je loue Dieu de ce que
je vois la victoire nôtre, avant de mourir. À présent je
ne me soucie point de la mort. » Après ces paroles
héroïques, il est triste d’avoir à rappeler les suivantes,
qu’il adressait à ses compagnons d’armes : « Je vous