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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

tés de paix qui interrompaient ces fureurs n’étaient que des trêves, et encore presque aussitôt violées que conclues. Elles n’avaient d’autre effet que de renouveler les forces et les haines ; et les deux partis recommençaient presque aussitôt à lutter d’acharnement, chacun des combattants y ajoutant ses passions et ses atrocités personnelles. Montluc cite un soldat huguenot sur qui on trouva une liste de cent dix-sept hommes qu’il avait tués. Trouvera-t-on dès lors exagéré le chiffre de Montluc, lorsqu’il dit que trois cent mille hommes s’entretuèrent dans ces guerres d’extermination ?

« Je ne sais si nous sommes au bout, » s’écriait-il en terminant, et comme frappé de l’impuissance des remèdes sanglants qu’il avait multipliés. Jusque-là, sans souci de tant de malheurs, et fier d’avoir porté toujours « la belle robe blanche de fidélité, » il avait déclaré, « portant la tête haute, qu’il n’avait jamais fait acte que d’homme de bien ; » et c’était ce qu’il appelait encore « avoir fait le devoir d’un serviteur du roi et d’un catholique. » Bien plus, en étouffant les damnables conspirations des huguenots dans leur sang, Montluc avait cru longtemps « mériter que Dieu le sauvât. » Mais cette foi chancelle à la fin ; cette sécurité de sa conscience s’altère, et, par l’imprescriptible droit de l’humanité et de la justice, le remords succède à ce doute. Comme si, fatigué de son propre rôle, il eût pris en défiance cette sanglante mission qu’il s’est donnée ou qu’il a reçue, il jette un regard troublé sur ce passé souillé de meurtres, et il s’écrie dans un mouvement d’effroi : « Oh ! que si la miséricorde de Dieu n’est