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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

plaisait à nommer ses laquais[1]. Et lui-même ne se faisait pas faute de mettre la main à l’œuvre. On pourrait l’apprendre par le récit suivant, qui nous montre en même temps quels égards Montluc avait pour les représentants de la justice. Un jour qu’il venait, avec les formes expéditives qui lui étaient ordinaires, « d’en faire pendre ou mettre sur la roue trente ou quarante, » il eut un désaccord avec un conseiller, qu’il ne trouva pas assez prompt à entrer dans ses sentiments. Alors, s’élançant comme s’il allait le saisir à la gorge : « Tu déclareras ici ce que je te demande, s’écria-t-il, ou je te pendrai moi-même de mes mains ; car j’en ai pendu une vingtaine de plus gens de bien que toi. » Un moment après, tirant à demi son épée du fourreau, il allait en faire usage contre le magistrat qui lui résistait, si ceux qui l’entouraient ne l’eussent arrêté.

S’étonnera-t-on dès lors qu’affranchi de toutes les règles, il ait inspiré aux huguenots, qui tremblaient à la seule vue de sa grande cornette noire[2], un effroi dont il se glorifiait. « Il semblait, quand ils oyaient parler de moi, dit-il, qu’ils avaient le bourreau à la queue. » À vrai dire, on voit qu’à cette époque il ne prenait plus conseil et ne recevait d’ordre que de lui-même ; c’est ce qu’il érige en principe : « Quand vous vous trouverez en quelque lieu pour faire un service notable, n’attendez le commandement, si c’est chose pressée ; car cependant vous perdrez tout. »

  1. Voyez d’Aubigné, I, iii, 17.
  2. Lui-même disait que, si les huguenots l’avaient trouvé dans un fossé, ils n’eussent osé l’y prendre.