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LOUISE LABÉ.

plus graves personnages, dans leur culte de l’antiquité, imitaient à l’envi Anacréon et Catulle, sans qu’il en coutât rien à la régularité de leur vie ; ce dont plus d’un, par un scrupule ingénu, a pris soin de nous avertir ? C’est que les amours qu’ils chantaient, on l’a déjà vu ailleurs, n’existaient que dans leur imagination. Rien ne nous empêche de croire qu’il en fût ainsi pour Louise Labé. À coup sûr, elle ne manque nullement de souvenirs classiques, qui témoignent qu’elle a pratiqué avec fruit les auteurs anciens. Chez elle, en un mot, l’imitation savante se mêle évidemment, mais dans une mesure qu’il est difficile d’apprécier, aux sentiments personnels. Du moins ceux qui l’ont jugée avec le plus de défaveur ont-ils affirmé que l’intérêt ou la vanité n’avait eu aucune part dans ses faiblesses, et que les gens d’esprit trouvaient près d’elle un accueil que sollicitaient vainement les financiers et les grands seigneurs. Mais nous préférons adopter sur Louise Labé l’opinion d’un judicieux esprit[1], qui, connaissant à fond les hommes et les choses de cette époque, a voulu voir dans ses œuvres un langage de convention, un tissu de licences poétiques, non l’expression de ses mœurs réelles. Constatons enfin que les éloges de plusieurs de ses contemporains se rapportent aussi bien aux vertus

  1. M. Sainte-Beuve. — « Ses sonnets amoureux, dit-il, mirent en veine bien des beaux esprits du temps, et ils commencèrent à lui parler en français, en latin, en toutes les langues, de ses gracieusetés et de ses baisers (de Aloysiæ Labeæ osculis), comme des gens qui avaient le droit d’exprimer un avis là-dessus. Les malins ou les indifférents ont pu prendre ensuite ces jeux de l’imagination au pied de la lettre. »