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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

ne coûta à Montluc, et cela d’après des principes arrêtés qu’il expose en ces termes : « Ce n’est pas comme aux guerres étrangères, où l’on combat pour l’amour de l’honneur. Mais aux civiles il faut être ou maître ou valet, vu qu’on demeure sous même toit ; et ainsi il faut venir à la rigueur et à la cruauté… Les guerres étrangères, ajoute-t-il encore plus loin, se font pour honneur et non pour haine. » D’après des théories si nettement formulées, la conduite de Montluc est trop explicable. Les atrocités que lui inspirent ses froids raisonnements, il les déduit dans tous leurs détails, et il ne tiendra pas à lui qu’elles ne soient élevées à la hauteur de règles, au service de ses successeurs[1].

Voyons d’abord sa clémence : elle consiste à faire donner, pour des paroles téméraires, tant de coups de fouet qu’on en meurt le plus souvent peu de jours après le supplice. Mais d’ordinaire le supplice est immédiat et exécuté « sans écriture ni sentence ; car en ces choses il a ouï dire qu’il faut commencer par l’exécution. Et si, continue-t-il, tous ceux qui avaient charge es provinces eussent fait de même, on eût assoupi le feu qui a depuis brûlé tout. » Il est certain, et l’on n’en sera pas surpris, qu’une grande frayeur se répandit parmi les huguenots, disant, au rapport de Montluc : « Comme il nous fait mourir sans nous faire aucun procès ! » Mais cette frayeur eut-elle d’autre

  1. Il ne faudrait pas croire que de tels hommes excitassent alors les sentiments d’indignation qu’ils soulèveraient justement aujourd’hui. Voyez le loyal d’Aubigné en présence de des Adrets. Le sentiment qu’il éprouve pour lui est plus voisin de l’admiration que de l’horreur.