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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

treté, quand il poursuivait une victoire ou une vengeance, s’est bien peinte par ces paroles : « Si je pouvais appeler tous les esprits des enfers pour rompre la tête à un ennemi qui me veut rompre la mienne, je le ferais de bon cœur. »

Tel est donc l’homme qui, à un moment donné, va personnifier la lutte du catholicisme contre le protestantisme, et dans les parties de la France où ces deux croyances se devaient livrer aux luttes les plus acharnées. Ce fut en effet Montluc qui, comme l’établissait M. Rabanis dans un article récent[1], « organisa la guerre civile dans tout le Midi, et qui déjà provoquait la formation d’une ligue catholique, ainsi que les registres du parlement de Bordeaux en font foi. » Sa figure domine ces temps sinistres, ainsi que celle de des Adrets, dans le camp opposé, comme si leur triste rôle eût été à l’un et à l’autre « d’établir une horrible compensation de haines et de crimes entre les deux partis[2]. »

Non qu’il n’y eût alors même de véritables héros dans les camps, des héros non désavoués par l’humanité : il suffirait de rappeler le brave et généreux La Noue. Mais La Noue ne devançait-il pas son temps ? On peut le croire, on peut le dire à son honneur, en considérant par quels traits l’imagination effrayée de Montaigne a peint son époque, et combien elle était étrangère aux plus simples idées d’équité qui ont pré-

  1. Sur la publication des lettres de Henri IV. Voyez Journal de l’instruction publique ; Bulletin des sociétés savantes.
  2. Expression de M. Villemain.