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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

contenance : « J’ai toujours été glorieux, nous avoue-t-il ; aussi suis-je Gascon. »

De là cette impatience et cette vivacité d’humeur si promptement traduite en colère, qu’il confesse aussi tenir de ses deux titres de Français et de Gascon[1]. Mais en revanche il se pique d’être « l’ennemi capital de la trahison et déloyauté, » proclamant qu’il a toujours « porté au front ce qu’il a dans le cœur. » Dans ce temps où les d’Épernon amassaient de scandaleuses fortunes et couvraient de pierres précieuses la garde de leurs épées, il se vante d’avoir toujours été intègre, et, par une idée nouvelle, il éprouve quelque commisération pour le pauvre peuple, qu’il se fait scrupule de piller. Le sentiment religieux s’exprime aussi chez lui d’une manière aussi naïve que sincère, et l’on verra combien il a régné sur toute sa carrière.

Ces qualités, il est vrai, n’étaient pas sans leurs ombres. Avec cet esprit qui le rendait propre aux affaires de tout ordre et de tout genre, de la guerre comme de la paix, il était très-entier de caractère et très-difficile à manier, souvent inconsidéré dans ses propos et railleur, même à l’égard de ses chefs, prompt à se laisser emporter par un premier mouvement, et quand son amour-propre était engagé, ne reculant jamais ; ni sa vie ni celle de ses compagnons n’avait plus alors de prix à ses yeux : « Mon dépit, dit-il dans une occasion, fit perdre là de bons hommes. » Son opiniâ-

  1. « Je suis Français et, comme tel, impatient ; et encore Gascon, qui le surpasse d’impatience, et de plus colère… »