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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

Montluc, indépendamment de sa vocation et de ses vertus militaires, possédait (pourquoi le nier ?) quelques, qualités estimables ou attrayantes. D’un esprit ouvert et enjoué, ami des saillies, qu’il ne prodiguait jamais plus que dans le péril, il était loin d’être l’ennemi du plaisir. Se donnant volontiers, comme il dit, du bon temps dans la paix, à près de soixante ans, dans la ville d’Agen, chez sa belle-fille madame de Caupène, on le voit toute une soirée « danser en compagnie de quinze ou vingt damoiselles. »

D’une humeur libérale, on l’a déjà indiqué, il tenait bien son rang et faisait à l’occasion noble dépense. C’est ce que témoigne le récit d’un repas improvisé qu’un jour de revue il offrit à François de Guise et au duc de Saxe, accompagnés de beaucoup de leurs officiers. La table royale n’eût pas été plus délicate. D’ordinaire, sans être aussi magnifique, il faisait bonne chère au camp, se piquant d’avoir un bon maître d’hôtel et d’être hospitalier : car il voulait par là « honorer la charge qu’il tenait de ses maîtres, ayant toujours vu ceux qui vivaient de la sorte être plus en crédit que les autres et mieux suivis. » Instruit de ces habitudes généreuses de Montluc, le roi déclara en effet qu’il voulait lui donner les moyens de mieux soutenir la dépense qu’il n’avait pu faire jusque-là : mais, dans ses embarras financiers, il ne tint point parole, et le pauvre gentilhomme (comme s’appelle Montluc), pour avoir trop fait le grand seigneur, se trouva plus d’une fois « n’avoir pas un sou. » À défaut de l’argent, les expédients ne lui manquaient pas et il faisait bonne