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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

ces chefs incapables de repos et frustrés d’autre proie ne fussent réduits, comme l’appréhendait Montluc lui-même, à s’entre-manger ?

La mort violente de Henri II, survenue peu après, ne fit qu’ajouter un nouveau degré de vraisemblance à l’appréhension de ces malheurs. Elle fut pour Montluc en particulier un véritable deuil. Toujours sensible à la considération que lui avait montrée ce prince et au bien qu’il en avait reçu, il ne cessa d’honorer sa mémoire par de fidèles regrets exprimés dans plusieurs passages des Commentaires. À l’émotion qui y règne on se convaincrait au besoin que cette rude nature ne laissait pas d’être à un haut degré susceptible d’attachement, et l’on déplorera d’autant plus que de funestes circonstances aient depuis, sous l’influence de sentiments contraires, développé dans ce cœur ardent le germe des plus mauvaises passions.

Henri mort, le pouvoir, glissant entre les mains de François II, allait tomber successivement, pour le malheur du pays, entre celles de Charles IX et de Henri III, encourageant, par son instabilité et sa faiblesse mêmes, les ambitions et les résistances, les divisions et les luttes.

Mais avant de voir les Français, trop habitués aux combats, tourner leurs armes oisives contre eux-mêmes, avant de représenter Montluc à la triste lueur des guerres civiles, réunissons les traits qui nous permettent de le montrer, comme nous l’avons pu faire jusqu’à présent, sous un jour plus favorable. Ainsi nous sera-t-il donné de mieux comprendre l’altération profonde subie par ce caractère lui-même.