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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

gner à peu manger et surtout à peu boire, parce qu’ils « aiment trop leur ventre, » observe naïvement notre auteur. Comme il était à craindre qu’ils ne se rendissent pour ne pas supporter une plus longue abstinence, on les fit sortir de la ville, et ce fut alors qu’on prit le même parti à l’égard des bouches inutiles, c’est-à-dire de plusieurs milliers de personnes vouées ainsi à la mort, ce qui amena des scènes de pitié et de désolation telles que Montluc lui-même déclare n’en avoir jamais vu. Quant aux vrais défenseurs de Sienne, leur ration de pain fut fixée à quatorze onces. Ces mesures précédèrent seulement d’un mois la décision qui fit de Montluc un vrai dictateur romain.

Néanmoins au milieu de février 1555 il n’y avait plus une goutte de vin dans la ville, et dès le commencement de mars l’épuisement des autres provisions était le même. « On avait mangé tous les chevaux, ânes, mulets, chats et rats qui étaient dans la ville… » La ration du soldat est réduite à douze onces de pain, celle des habitants à neuf ; et l’on ne pouvait y ajouter que quelques herbes. Aussi beaucoup des uns et des autres, par l’insuffisance de la nourriture, « tombaient-ils morts sur la place en cheminant et sans maladie. »

Ce fut ainsi que l’on se traîna jusqu’en avril, où sans ressource et sans espoir de secours, il fallut songer à échapper aux horreurs de la famine, lorsqu’il n’y avait plus de remède pour les Siennois, au dire de Montluc, que de se manger entre eux. De mercredi à dimanche (jour où l’on fit encore une sortie), on était resté sans manger autre chose que six onces de biscuit par homme