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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

més mes et qui combattaient pour leur liberté sous des devises et avec des costumes différents, au nombre de « trois mille dames, gentilles femmes ou bourgeoises, » les unes avec accoutrement en façon de nymphe, court et montrant le brodequin, les autres vêtues de satin incarnat, les autres tout de blanc. Et elles allaient aux fortifications en faisant entendre un chant en l’honneur de la France. Montluc s’en veut beaucoup de n’en avoir pas gardé le souvenir, et pour se le rappeler il aurait volontiers, nous dit-il, « donné son meilleur cheval. » C’était pour Montluc donner beaucoup ; car il était tel de ses chevaux qu’il mettait au premier rang de ses affections même domestiques. Il nous l’apprend lui-même en ces termes : « Dans, une rencontre avec les protestants je perdis, dit-il, mon cheval turc, que j’aimais après mes enfants plus que chose de ce monde ; car il m’avait sauvé la vie ou la prison trois fois. Le duc de Palliane me l’avait donné à Rome. Je n’eus ni n’espère jamais avoir un si bon cheval que celui-là. »

Cependant l’ennemi ne tarda pas à reconnaître qu’il ne triompherait jamais par la force des obstacles qui, à peine surmontés, renaissaient aussitôt sur ses pas. Il ne songea plus qu’à réduire les assiégés par la famine ; et à la vérité tout le conviait à l’entreprendre, car les vivres y étaient en très-petite quantité. Bientôt même, en fait de provisions, il n’y eut plus que du cheval et de l’âne, et non point à discrétion. Ce qui ajoutait aux embarras de cette situation, c’est qu’une partie de la garnison était composée d’Allemands, gens qui ne peuvent pâtir, c’est-à-dire se rési-