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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

fiances réciproques, des divisions avaient éclaté entre les citoyens, et leur sang avait été près de couler par leurs propres mains. Montluc en prévint l’effusion sans violence, en se bornant à leur faire voir le bras qui les poussait au carnage. Connaissant le pouvoir de la religion sur les esprits italiens, il n’eut garde d’en négliger les démonstrations extérieures ; il recourut notamment à la pratique populaire des superstitions. C’est assez marquer que, par une transformation aussi complète qu’inattendue, ce n’est plus ce fougueux, ce bouillant, cet indomptable guerrier que nous connaissions ; c’est le plus circonspect, le plus fin, le plus adroit, le plus prudent des gouverneurs. Revêtu par son titre d’un pouvoir absolu, loin de devenir tyran, ce qu’il demande aux Siennois, « les mains jointes et au nom de Dieu, c’est qu’ils se gardent sur toutes choses de mettre la main au sang de leurs concitoyens. » Par la suite il s’étonnait lui-même d’avoir pu dépouiller sa nature au point d’être « si sage et si modéré. »

Au milieu de ce dévouement commun au bien public, les Siennoises ne furent pas les dernières à partager l’enthousiasme belliqueux inspiré par Montluc. Animées de ses paroles et remplies de sa résolution, ces femmes, oubliant leur faiblesse, prirent part à la défense ; et l’auteur s’écria avec un enthousiasme bien légitime : « Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom, tant que le livre de Montluc vivra ; car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent. » Et il cite en effet trois escadrons de dames, qui s’étaient for-