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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

les pains blancs, le gibier et le vin grec qui lui étaient offerts. Et pour se montrer digne de ces présents, il n’en était que plus décidé à bien défendre la ville.

Il ne lui fallait pas seulement à cet effet payer de sa personne comme d’habitude, et, par la force de sa volonté, faire taire les plus justes exigences de la nature : il fallait qu’il fit passer son âme dans celle de tous les assiégés, ou du moins qu’il se rendît complètement maître des esprits non-seulement de la garnison, mais de tous les habitants. Dans ce but il déploya des qualités nouvelles pour lui, un art singulier des ménagements, beaucoup de circonspection et d’adresse : lui, si impatient et si fougueux, comprit qu’il fallait obtenir par la persuasion l’adhésion complète des volontés. On découvrit, dans cette nature qu’on avait crue exclusivement guerrière, les qualités d’un politique. « Ce n’est pas tout, a-t-il dit lui-même, d’être vaillant et sage : il faut être fin et avisé. » Et jamais on ne joignit mieux la pratique au précepte. Loin de choquer les usages des Siennois, il s’accommoda à leurs habitudes ; au lieu de commander, il conseillait, se prêtant aux circonstances, et bien lui prit à cette occasion de connaître les langues étrangères, en particulier l’italien et l’espagnol : ce qui l’a porté, et très-sagement, à faire entrer cette étude comme des plus nécessaires dans le plan d’éducation de la jeune noblesse. « Messieurs, dit-il en s’adressant à ceux qui ont le moyen, vous qui voulez pousser vos enfants, croyez que c’est une bonne chose de leur faire apprendre, s’il est possible, les langues étrangères. Cela sert fort, soit pour passer, soit