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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

rain, électrisé par ses paroles. Et Montluc se précipita hors de la salle du conseil, emportant ce cri que mille voix répétaient avec enthousiasme et qu’il alla aussitôt redire en personne au comte d’Enghien.

Les Français, sur le champ de bataille de Cérisoles, remplirent rengagement de Montluc (11 avril 1544) : ils triomphèrent ; non que le terrain ne leur ait été vaillamment disputé ; mais, pour n’avoir pas été sans alternative et pour avoir coûté beaucoup de sang, le triomphe n’en fut que plus glorieux. Par malheur il ne nous rapporta qu’un stérile honneur, au lieu des avantages sérieux qui eussent dû en être la suite.

Le comte d’Enghien, qui avait eu la résolution de vouloir vaincre, n’eut pas celle de poursuivre son succès, comme s’il devait toujours être dans la destinée des Français de savoir vaincre plutôt qu’user de leurs victoires. « Si on eût su faire profit de cette bataille, disait déjà à cette occasion Montluc lui-même, Milan était bien ébranlé ; mais nous ne saurons jamais faire valoir nos victoires. »

Après s’être si heureusement acquitté du rôle de conseiller, Montluc ne joua pas moins bien le rôle du soldat. Certes il méritait l’honneur qui lui fut déféré le jour de l’action, « celui de conduire toute l’arquebuserie, » et il n’hésita point, en remerciant ses chefs du choix dont il était l’objet, à leur déclarer « qu’il espérait, avec l’aide de Dieu, s’en acquitter de telle sorte qu’ils auraient occasion d’être contents. » Il tint parole, ayant essuyé tout l’effort du combat. « Je ne fus jamais, dit-il, si habile et si dispos, et me fut bon be-