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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

si plein de trait et de vigueur, est en même temps un tableau frappant des mœurs de l’époque. On y voit quel esprit de loyauté et d’honneur animait alors la noblesse française. Les gentilshommes accouraient en foule au premier mot de combat, et les rois avaient toujours dans leur noblesse une élite dévouée, prête à donner ses biens et son sang à leur service. « Un petit souris du maître, disait Montluc, échauffe les plus refroidis : sans crainte de changer prés, vignes et moulins en chevaux et armes, on va mourir au lit que nous appelons le lit d’honneur. » De quels exploits cette noblesse, bien commandée, ce qui lui a manqué presque toujours, n’eût-elle donc pas été capable ?

Le souverain lui-même présidait au conseil assemblé pour repousser bien plus que pour examiner les propositions qui lui étaient faites. La volonté du maître, comme des ministres et des grands officiers ses assesseurs, semblait ne pouvoir subir de modification ni rencontrer d’obstacle. Malgré de nombreuses et violentes interruptions qui la proclamaient hautement, Montluc ne se laissa pas troubler. Presque seul contre tous, encouragé à peine par quelques sourires bienveillants du Dauphin (depuis Henri II), il exposa avec une netteté si lumineuse la situation des deux armées, tout a l’avantage de celle de France, il parla avec tant de chaleur du désir impatient de vaincre qui embrasait nos soldats, il se porta avec tant d’émotion garant du succès, qu’il fit à la fin passer ses espérances dans l’âme de ses auditeurs et leur imposa sa volonté. Qu’ils combattent, qu’ils combattent, s’écria le souve-