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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

« J’ai ouï dire à de grands capitaines, observe Montluc lui-même, qu’il est besoin d’être quelquefois battu ; car on se fait sage par sa perte. Quant à moi, je me suis bien trouvé de ne l’avoir pas été, et j’aime mieux m’être fait avisé aux dépens d’autrui qu’aux miens. » Mais nous n’avons pas perdu de vue le secret de ses victoires, qu’il rappelle à tout moment. C’est « qu’il était résolu de mourir ou de repousser les ennemis, » et qu’il identifiait ses soldats à sa pensée en les rendant tous semblables à lui-même. C’est aussi, comme on Ta dit déjà, que le sang-froid qui combine et l’emportement qui exécute s’associaient chez lui dans cette juste et sage mesure qui rend une troupe et son chef invincibles. Ce témoignage, il a pu se le rendre à lui-même en racontant un des exploits auxquels il avait entraîné ses soldats : « Je connus bien à cette heure, dit-il comme j’ai fait d’autres fois, qu’est-ce que peut le chef quand il se met devant, montrant le chemin aux autres. »

Ainsi, à la faveur de ces qualités et de ces circonstances, la réputation de Montluc s’accroissait-elle de jour en jour ; elle devint bientôt générale, aussi bien que celle des gens qu’il commandait, en sorte que, selon son rapport, un autre capitaine lui disait, réclamant ses secours, « qu’il voudrait lui avoir coûté la moitié de son bien et que ma compagnie y fût. »

Montluc, dont le caractère n’est pas précisément celui de la réserve, n’a garde de nous laisser ignorer ces brevets d’honneur qu’il a reçus, et l’on voit même qu’en vertu de ce prestige qui s’attache aux héros,