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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

ailleurs, « de passer trois nuits de suite et trois jours sans dormir… Il lui a donc bien servi d’être fort et robuste, car il a mis son corps à l’épreuve autant que soldat ait fait de son temps. »

Indépendamment de ce mérite général, que rien ne peut suppléer à la guerre, il s’en attribue trois autres plus particuliers, qui témoignent également d’une vocation spéciale pour le métier des armes. C’était d’être doué d’un coup d’œil militaire d’une rare justesse, qui lui permettait « de bien nombrer les gens, » c’est-à-dire de reconnaître avec promptitude, avec sûreté, le chiffre approchant d’une troupe ou d’un corps d’armée. « Je n’ai trouvé, remarque à ce sujet Montluc, sergent-major ni autre qui m’ait surpassé en cela… Encore que le bataillon fût grand, je le nombrais à cinquante hommes près, de la distance d’un demi-mille. » C’était ensuite de bien juger à quels hommes il avait affaire, en reconnaissant « s’ils avaient peur, à leur façon de faire ou de tirer, à leur train, à leur démarche. » Enfin de les combattre sans délai ou forts ou faibles, en les déconcertant par la brusquerie de l’attaque : « Après l’aide de Dieu, ajoute finalement Montluc, toutes les bonnes fortunes que j’ai eues m’ont procédé de ces trois choses. »

Ces bonnes fortunes ne s’étaient jamais démenties, d’après l’observation de Montluc lui-même, qui s’attribue l’honneur de n’avoir pas subi de défaite. On n’a pas oublié toutefois que quelques-uns de nos généraux les plus consommés ne faisaient pas difficulté d’avouer qu’ils avaient été vaincus, et même par leur faute.