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HONORÉ D’URFÉ.

fous exprime la pensée que le chœur était une institution républicaine et ne pouvait par ce motif fleurir sous le despotisme impérial. En cela le chœur ne fit qu’éprouver le sort commun aux lettres et aux arts, tout s’affaissant à la fois par la décadence des mœurs et de l’esprit public. Ce que l’on peut affirmer plus sûrement, c’est que le chœur n’était ni romain ni français, mais essentiellement grec, ou plutôt qu’il n’est propre qu’aux époques héroïques et théocratiques.

Par une autre concession aux opinions reçues, M. Bonafous accuse la faiblesse de nos poésies religieuses, et veut la prouver en s’autorisant « de l’exemple du grand Corneille, » dans sa Paraphrase de l’Imitation de Jésus-Christ. Mais si l’on considère l’époque où elle a paru, on reconnaîtra qu’il serait injuste de lui refuser tout mérite. On peut aisément y signaler de belles strophes et même des passages dignes de prendre place parmi les odes qui honorent notre littérature. Malheureusement fort peu lisent cette traduction, et beaucoup la condamnent. Les propos que l’on a entendu tenir, on les tient à son tour ; ils passent dans l’usage et s’accréditent sans examen. C’est ainsi que chacun médit de son temps : M. Bonafous obéit à cet entraînement quand il parle « de notre siècle efféminé auquel la lecture des romans est devenue nécessaire, » et, un peu plus loin, « de notre société corrompue. » Mais il ne songe pas que la fiction, sous des formes naturellement différentes, est un besoin impérissable de l’esprit humain, qu’elle n’a peut-être jamais obtenu plus de vogue que dans les époques les plus rudes et