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HONORÉ D’URFÉ.

reuse un singulier exemple, lorsqu’il cite, dans le Sireine, une réticence ou plutôt une abréviation, qui, pour exprimer un accident possible, n’en est pas moins ridicule :

Ce papier pour qui j’ai pleuré,
Tu le donneras à Siré…
Et le reste du mot s’arrête
Pris au palais…

Le poëte dramatique, Jacques de La Taille, avait vers ce temps recouru au même moyen dans la tragédie de Darius :

Ma mère et mes enfants aie en recommanda…[1]
Il ne put achever ; car la mort l’engarda[2].

L’Astrée renferme aussi un assez grand nombre de vers. Avec les précédents ils n’assignent certes pas à d’Urfé un rang distingué sur le Parnasse. Toutefois je ne serai pas aussi sévère que Malherbe, et même que M. Bonafous : je ne refuserai pas de reconnaître dans d’Urfé les germes du génie poétique. Je n’en veux pour preuve que le passage suivant, où l’on trouve, avec un tour facile, un abandon qui n’est pas sans grâce. Il roule sur un thème fort usité, l’inconstance des femmes ; c’est un berger qui se plaint en ces termes :

Mais devais-je prétendre en cet esprit léger
 Amour moins passagère ?
Car, puisqu’elle était femme, il fallait bien juger
 Qu’elle serait légère.

  1. Recommandation.
  2. L’empêcha.