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HONORÉ D’URFÉ.

l’Astrée, la réalité un peu triste et nue, qu’un historien véridique doit substituer à de séduisantes, mais très-mensongères fictions.

Après qu’il a porté dans cette question la lumière d’une critique intelligente, M. Bonafous, pour nous faire connaître tout ce qui est relatif au roman aussi bien qu’à son auteur, se demande quelle en a été l’influence, et il ne craint pas d’affirmer qu’elle a été immense. À l’entendre même, « l’urbanité française daterait de l’Astrée ; » mais ce serait lui assigner une origine trop rapprochée de nous. N’était-elle pas en honneur dans ces cercles séducteurs et brillants auxquels présidait Catherine de Médicis, la Junon de la cour, ainsi que l’appelait Brantôme ? Reportons plus loin nos souvenirs : au temps des tournois et des croisades, nos pères Font-ils donc ignorée ? Certes, chez les compagnons de Joinville et de saint Louis, s’il y avait moins de cette politesse factice qui règne de nos jours, combien ne florissait-elle pas avec plus d’éclat cette urbanité, qui, naissant du respect de soi et des autres, se confond avec l’honneur, et resserre si étroitement les liens de la société ?

Non content d’étudier dans d’Urfé le prosateur et le romancier, M. Bonafous a encore envisagé le poëte. À vrai dire, en le lisant, on comprend mieux tout le mérite de Malherbe, qui mourut trois ans avant lui et qui d’ailleurs encourageait peu ses efforts, l’avertissant avec une rude franchise « qu’il était trop bon gentilhomme pour s’exposer à faire de mauvais vers. » Malgré ce grave témoignage, on doit féliciter M. Bona-