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HONORÉ D’URFÉ.

affaiblie de la tendre et brillante imagination du Tasse. Le Pastor fido a marqué également de son empreinte la composition de d’Urfé ; celui-ci, dans la peinture des caractères et dans les situations de son roman, s’est visiblement souvenu de Guarini. Il a fait encore quelques emprunts à d’autres poètes italiens, en particulier à Sannazar, célèbre par son Arcadie. De plus, il n’a pas peu mis à contribution la littérature espagnole, dont la pastorale est, comme on ne l’ignore pas, le genre classique ; nous y trouvons même son guide le plus habituel, l’auteur de Diane, Montemayor, que, suivant l’opinion de M. Bonafous, il a complètement surpassé.

On ne saurait nier cependant que, malgré ces imitations incontestables, un riche fonds d’invention personnelle n’appartienne à d’Urfé ; et ici une question se présente, qui a fort préoccupé ses contemporains, qui, même pour notre époque, n’a pas perdu tout son intérêt : quelle est la part, dans l’Astrée, de la fiction et de la vérité historique ; en d’autres termes, quels faits ou quels hommes y sont cachés sous des voiles plus ou moins transparents ? C’est là une recherche délicate et pleine de difficultés, mais piquante. Que d’Urfé, dont la vie fut longtemps si active, se soit isolé de tout ce qui était autour de lui, qu’il ait négligé de s’inspirer des événements placés sous ses yeux, que son pinceau n’ait pas reproduit quelques traits des physionomies les plus saillantes de son siècle, on ne peut nullement le supposer. Comment ne pas voir, dans la chevaleresque figure du roi des Visigoths Euric, notre belliqueux et