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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

réputation qu’elle posséda de son vivant. Après elle, son souvenir fut conservé dans des compilations érudites : Hilarion de Coste et Louis Jacob, dans leurs ouvrages sur les femmes célèbres ; Niceron, dans son volumineux recueil littéraire ; Pierre de Saint-Romuald, dans son Trésor chronologique, ont fait son éloge. L’abbé Goujet lui a consacré un article dans sa Bibliothèque française, ainsi que Titon du Tillet, dans son Parnasse français ; le père Bouhours, dans ses Entretiens, l’a mise au rang des illustrations de son siècle. Mais ces respectables auteurs ne devaient la protéger qu’imparfaitement contre l’oubli. C’est un intervalle critique et ingrat pour les écrivains que celui où, dans l’ordre des choses intellectuelles, un monde s’achève et un autre monde commence à naître. Or mademoiselle de Gournay avait marqué la fin d’une école littéraire ; il s’en levait une autre dont l’éclat éblouissant allait, pour le moment du moins, couvrir de ténèbres tout le passé, et Boileau, qui porta à la littérature surannée le coup suprême, était né en 1636.

Mademoiselle de Gournay, qui touche d’une main aux hommes illustres de la renaissance, et qui de l’autre atteint ceux du grand siècle, avait pu assistera presque tous les chefs d’œuvre de Corneille ; elle avait pu entendre Marguerite de Valois, l’Amyot de son sexe, et lire mademoiselle de Scudéri, avec qui elle a plus d’un trait de ressemblance. On supposera volontiers, quoique nous manquions de renseignements certains à ce sujet, qu’elle fut une des habituées de l’hôtel Rambouillet, sur lequel l’opinion a été, par plu-