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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

raviver, égayer, épanouir ; parmi les adjectifs, intrépide, preux, tragique, inepte, ardu ; parmi les substantifs, pensers, imaginations, conceptions, obsèques, allégresse, qui tous, en durant, ont fait honneur à son patronage. Dans cette liste de noms menacés et maintenus, il faut placer cependant et extrêmement, « qui recevaient quelque œillade de travers ; » rougissant et verdissant ; lionceau et plusieurs diminutifs de ce genre ; poitrine, que les délicats refusaient de prononcer, « parce que l’on disait poitrine de veau ; » griefs, sanglots, angoisse, carquois, cohorte, fâcherie, précaution, etc. Joignons-y beaucoup d’acceptions métaphoriques qui ajoutaient, ainsi qu’on l’a fait observer, aux ressources et à la puissance du langage, et bon nombre de proverbes nationaux, traités de vulgaires, et en qui mademoiselle de Gournay voit « les images des siècles antiques. » Encore ne se borne-t-elle pas aux richesses que nous ont léguées nos ancêtres : dans son désir de les augmenter, elle accrédite à leur naissance adolescent, contesté par la cabale, et pétulance, récemment introduit par Amyot : « car quelle personne de jugement rejetterait un terme employé par cet auteur ? » En revanche, elle s’oppose aux fâcheuses tendances d’une autre classe de novateurs, qui, par un excès contraire à l’excès du scrupule, troublaient et défiguraient notre langue en s’affranchissant de toutes les règles ; elle combat ces formes barbares, j’allis, je donnis, et autres corruptions semblables que la manie de changer mettait en vogue ; elle proteste enfin contre les vices d’une prononciation affectée qui rendait les mots