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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

mademoiselle de Gournay, si elle eût vécu jusqu’aux satires de Boileau, n’eût pas manqué d’être, contre lui, du parti de Chapelain. Mais si le succès de la cause qu’elle soutenait était impossible, la justice et la raison, on a pu le reconnaître, ne manquaient pas absolument à sa défense du passé. Lorsque des novateurs hardis, donnant le signal de l’ingratitude, jetaient aux vents, suivant son expression, les vénérables restes de tous les poëtes de la renaissance, n’y avait-il pas lieu de protester ? De nos jours on l’a fait et à bon droit. Le dix-septième siècle, dans l’ivresse de son triomphe, s’était persuadé trop aisément que notre littérature commençait à lui, et il avait fait trop bon marché de vieux titres qui devaient être revendiqués par la suite. Mademoiselle de Gournay n’a pas été non plus inutile à notre langue, et ici on nous permettra de revenir encore un moment sur ce point précédemment abordé. À part les exagérations qui l’ont compromise, elle luttait pour des privilèges qu’il convenait de restreindre plutôt qu’il ne fallait les anéantir. Or, dans la réaction outrée qui se manifesta au sujet des négligences d’autrefois, on redoutait jusqu’à la simple rencontre des voyelles, et mademoiselle de Gournay n’a pas de peine à établir que de cette rencontre même on pouvait tirer d’heureux effets, Joachim du Bellay avait déjà interdit la suppression de l’article, souvent gracieuse et commode : depuis lui, la rigueur de cette prohibition et d’autres semblables avait toujours été croissant. Avec les diminutifs, qui nuançaient et variaient si agréablement l’expression, l’ellipse, l’un des traits les plus sail-