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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

pes, sur l’élite de ses contemporains, elle est loin cependant de manquer d’originalité et de valeur. Son âme, ouverte à tous les sentiments généreux, lui suggère de nobles accents. Avec un riche fonds d’instruction, il y a du cœur dans ce qu’elle écrit. Elle envisageait dans les lettres, ainsi qu’elle nous l’apprend, un enseignement pour les mœurs, et elle n’hésite pas à condamner « toute capacité où ne domine point, avec le jugement, la probité, sa compagne inséparable. » C’est assez dire qu’elle était digne de rencontrer parfois l’éloquence, et l’éloquence ne lui a pas toujours manqué. On peut ajouter que dans sa prose elle manie en général avec assez de [bonheur la période oratoire. L’émotion dont elle est capable respire aussi dans quelques-uns de ses vers : on a souvent cité son quatrain sur Jeanne d’Arc, « représentée l’épée nue au poing : »


Peux-tu bien accorder, vierge du ciel chérie,
La douceur de tes yeux et ce glaive irrité ? —
La douceur de mes yeux caresse ma patrie,
Et ce glaive en fureur lui rend sa liberté.


C’était une inscription préparée pour une statue de la Pucelle, qui ornait le pont d’Orléans. Pasquier nous apprend[1] que, sur la base, il avait été question, de son temps, d’inscrire quelques vers, et qu’à cette occasion un descendant de la famille de Jeanne avait invité tous les poëtes à célébrer cette illustre victime. Le re-

  1. Lettres, XXI, 4, 5.