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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

Il va, les bras ouverts, tout autour sautelant,
Pour happer ce poupon à deux ailes volant ;
Enfin, las et vaincu de sa fuite importune,
A quelque vieux pasteur il conte sa fortune.
Le bon pasteur sourit, par les ans raffiné,
Consolant de ces mots le garçon mutiné :
Attends, attends, mon fils, qu’un poil follet menace
De ceindre à demi-tour le vermeil de ta face ;
Et lors je te promets que cet enfant hautain,
Qui dédaigne aujourd’hui de tomber en ta main,
Volera de son gré, pour l’abréger ces peines,
En tes yeux, en ton sein, en tes bouillantes veines,
Si bien que le mignon, quittant ce vol léger,
Se nichera chez toi, sans vouloir déloger.


Mademoiselle de Gournay traduisait même parfois ses contemporains : c’est ainsi qu’elle mit en vers français deux fragments d’une tragédie sacrée, écrite en latin par Daniel Heinsius, et une inscription, pareillement latine, composée par le président d’Espagnet pour la statue de Henri IV, qui dès cette époque ornait le pont Neuf. Mais, après ses versions de Virgile, ce qu’elle a laissé de plus remarquable dans ce genre de travaux, ce sont ses versions de plusieurs psaumes et cantiques où elle est soutenue, en quelque sorte, par la grandeur du texte saint. Elle y montre certainement plus d’inspiration que dans ses poésies originales.

Ces poésies, généralement de peu d’importance au point de vue littéraire, ne laissent pas d’avoir pour nous un intérêt spécial, puisqu’elles éclairent à la fois la physionomie de mademoiselle de Gournay et celle de son temps.