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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

sionomie. Jusqu’ici il avait été trop laissé dans l’ombre. Les productions de mademoiselle de Gournay en ce genre ont-elles donc mérité en effet l’oubli où elles sont tombées ? Qu’il me soit permis de répondre à cette question en citant plusieurs de ses vers. Le lecteur puisera dans ces pièces du procès les éléments de sa conviction.

Auparavant toutefois signalons encore, comme un morceau assez important de critique, la dissertation en prose placée en tête des poésies, auxquelles elle sert de préface, et qui roule « sur la façon d’écrire de MM. le cardinal du Perron et Bertaut, évèque de Séez. » C’est une nouvelle apologie de ces deux écrivains et surtout de leur genre littéraire, dont s’éloignait le goût public, depuis que Malherbe avait commencé à régenter le Parnasse. Ce réformateur, sans être nommé, est assez clairement désigné dans cette pièce : on l’accuse « de frapper tout, à cause qu’il ne discerne rien ; » et ses doctrines sont vivement combattues. Là, mademoiselle de Gournay se montre, ainsi que d’habitude, partisan de l’indépendance capricieuse ou même du laisser-aller des anciens temps, jusqu’à défendre l’emploi de l’hiatus, dont La Fontaine, par insouciance, devait quelquefois après elle se permettre l’usage. En somme, toutes les licences poétiques sont fort autorisées à ses yeux, ou plutôt elles n’ont aucune importance : conséquente avec elle-même, elle n’avait garde de se les refuser.

Avec du Bellay, Desportes et Ronsard, dont la Franciade, les hymnes, les odes, les élégies excitaient son enthousiasme, du Perron et Bertaut étaient ses