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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

œuvre reçut, en 1634 surtout, de notables accroissements, et fut partagée en trois traités, au lieu de deux qui avaient été d’abord consacrés à cette matière.

Ce discours, où la personnalité de mademoiselle de Gournay ressort plus vivement que dans aucune autre partie de ses œuvres, est dédié à Marie de Blaineau, dame des Loges, honorée au début du nom de muse, et qui, affable pour les petits, recherchée par les grands, offrait à ce qu’il paraît, aux gens de lettres, une maison hospitalière. Elle semble avoir été tendrement attachée à notre auteur et sa protectrice dévouée ; car, à cette époque où une dame invitait son amie à venir coucher avec elle, comme elle la convierait aujourd’hui ou à un déjeuner ou à une matinée de travail, mademoiselle de Gournay, adressant son livre à madame des Loges, la priait de lui donner place sous son chevet, pour le cacher et sauver des mains de ses censeurs, « ainsi qu’au besoin elle donnerait place en son lit à la mère de cet ouvrage. »

Le but de ce morceau curieux, où l’on trouve, au milieu de développements diffus, d’excellentes remarques sur les changements des langues et sur ceux de la nôtre en particulier, est de défendre la réputation dès lors contestée des poëtes du seizième siècle, et au-dessus de tous, celle du grand Ronsard. Mademoiselle de Gournay s’indigne des attaques dont ils sont l’objet, et principalement de cette assertion colportée par leurs détracteurs, c’est « que l’on ne parle plus ainsi. » À ce moment du Perron et Bertaut, les derniers en date de nos vieux poëtes, venaient de descendre au tombeau.