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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

du reste, à la vue un peu courte de mademoiselle de Gournay, le modèle idéal de la perfection. Un moment toutefois elle avait eu la pensée de rééditer les œuvres de Ronsard, en y effaçant, par une pieuse fraude, pour l’approprier au goût nouveau, les tours et les termes qui avaient vieilli. On dit que d’autres admirateurs du vieux temps la détournèrent de cette tentative comme d’un sacrilège envers le chef de la pléiade. En lui donc, ainsi que dans le traducteur de Plutarque, réside pour elle la règle suprême : son imagination ne conçoit rien au delà. À cet égard, comme pour tout ce qui se rattache à ses doctrines littéraires, si le mot n’est pas ici trop ambitieux, on trouve ses sentiments développés avec étendue dans la Défense de la poésie et du langage des poëtes, qui parut pour la première fois en 1619, et qui réimprimée plusieurs fois, obtint un assez grand succès contemporain[1]. Dans la dernière édition de 1641, mademoiselle de Gournay avertissait le lecteur que si cette pièce et quelques autres qui concernent notre langue n’avaient pas été publiées avant l’établissement de l’Académie française, elles n’auraient pas vu le jour, « puisque désormais l’on attendait de cette honnête et savante assemblée la correction des erreurs qu’elle avait eu pour but de réfuter. » Quant aux adversaires que mademoiselle de Gournay se proposait de combattre, c’était, disait-elle, « une cabale de gens sans nom et sans aveu, qui s’attribuaient insolemment le droit de châtier notre langue et ses bons livres. » Son

  1. Il en fut donné cinq éditions du vivant de l’auteur.