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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

« comme s’ils eussent voulu que chacun allât à pied, parce qu’ils n’avaient pas de cheval. »

La même polémique s’agite dans les traités sur les Rimes et sur les Diminutifs français. Dans celui-là, mademoiselle de Gournay discute les règles et l’emploi de la rime ; suivant elle, « on lui gardera religion, non superstition ; » en d’autres termes, on ne s’attachera pas rigoureusement à rimer pour l’œil, on se contentera de rimer pour l’oreille. À cet égard, certains scrupules des puristes, certaines interdictions prononcées par eux la choquent grandement, et elle les combat à outrance. Des licences jusqu’alors autorisées ne trouvent pas auprès d’elle un appui moins énergique. Dans l’autre opuscule, elle montre un tendre attachement pour les diminutifs, ce gracieux ornement de notre vieille langue, qui tombaient dans le discrédit : en considération des grands poëtes de son temps qui les ont chéris, aussi bien que pour, la commodité de leur usage et la variété de leurs ressources, elle réclame leur maintien avec chaleur. Il lui semble, après en avoir produit de nombreux exemples, « qu’il y aurait violence et meurtre à sevrer notre langue de telles façons de parler ; » et loin de consentir à les perdre, elle serait prête, assure-t-elle, si on ne les possédait pas, à les aller chercher fort loin.

On se gardera sans doute d’entreprendre, par un amour paradoxal du passé, la défense des sympathies surannées de mademoiselle de Gournay : mais on ne la condamnera pas sans l’entendre ; on tirera d’ailleurs de son volumineux recueil, et de ces derniers travaux spé-