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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

plus intéressante pour nous, celle qui se compose des opuscules de mademoiselle de Gournay sur divers points de notre idiome ou de notre littérature : cette partie, que l’on peut nommer philologique, a conservé quelque chose de plus vivant ; on peut la consulter avec fruit pour l’histoire du goût en France, comme pour celle du langage.

À l’époque où mademoiselle de Gournay commençait à écrire, une langue florissait, la langue d’Amyot et de Montaigne, qui devait bientôt, par l’effet même des progrès que ces deux excellents maîtres de style avaient imprimés à l’esprit national, céder sa place au français définitif, à celui que les grands hommes du dix-septième siècle ont parlé et qui n’a subi jusqu’à nos jours que de faibles modifications. Le premier qui l’employa vraiment parmi nous, Balzac, publia une partie de ses lettres en 1624, et Malherbe avait déjà donné auparavant ce qu’il a laissé de durable. De là, entre le langage ancien et celui qui le dépossédait, entre la littérature qui mourait et celle qui venait de naître, une lutte curieuse dont mademoiselle de Gournay, par la passion qu’elle a mise dans la polémique soulevée à ce sujet, a été de son vivant et est demeurée la personnification[1].

S’il est vrai que nous renoncions difficilement aux sympathies et aux admirations de notre jeune âge, on trouvera, dans l’ardeur opiniâtre de mademoiselle de

  1. Voyez la comédie des Académistes (académiciens), par Saint-Évremond, pièce où figure mademoiselle de Gournay ; cf. Baillet, Jugements des savants, in-4o, t. II, p. 654.