Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
MADEMOISELLE DE GOURNAY.

surpassé maintes fois les hommes : avantage qu’il faut d’autant plus imputer à l’excellence de leur nature que leur éducation moins soignée semble davantage le leur interdire. Plutarque et Sénèque, dans l’antiquité, Montaigne, Érasme, Politien, parmi les modernes, n’ont pas déposé avec moins de force en leur faveur. Chez nous, il est vrai, la loi salique paraît militer contre elles ; mais cette loi, s’il faut l’en croire, n’a été portée qu’à raison des guerres allumées, au temps de Pharamond, entre nos ancêtres et l’empire romain, dont ils secouaient le joug. Or, pour l’exercice des armes, mademoiselle de Gournay veut bien céder la supériorité aux hommes, non sans quelques restrictions cependant ; elle la leur refuse absolument pour la science de l’administration : car, « sans l’invention des régentes, » elle ne doute pas que l’État français n’eût été perdu depuis longtemps. À combien d’autres situations élevées les femmes ont-elles su faire honneur par leur mérite ? mademoiselle de Gournay le montre à loisir, en interrogeant l’histoire sacrée et profane ; et les nombreux exemples qu’elle y recueille l’amènent à conclure que si l’Écriture sainte a déclaré le mari chef de la femme, ce serait une grande folie à celui-ci d’entendre ce mot dans son acception littérale. Nulle part, au reste, comme elle l’affirme, l’égalité des deux sexes ne doit exister à plus juste titre que dans notre pays, où les femmes, « affilées par la conversation, » l’emportent en esprit et en grâce sur celles de toutes les autres contrées.

Abordons maintenant une nouvelle série de travaux