Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
MADEMOISELLE DE GOURNAY.

nelle plainte de tous les temps), avaient beaucoup perdu parmi nous de la faveur dont elles jouissaient autrefois. Il ne restait qu’un bien petit nombre de personnes pour qui vivre ce fût penser. Cependant on ne méritait le titre de galant homme qu’à la condition de connaître le prix de l’étude. Très-justes idées, sans doute, mais qui souffrent du style trop peu naturel de l’auteur.

Ce défaut d’un langage souvent métaphysique et subtil perce surtout dans un fragment d’un genre très-distinct de celui des compositions précédentes, et qui a pour titre : Chrysante, ou Convalescence d’une petite fille. C’est un compliment à une dame du plus haut rang et de la plus brillante fortune, sur la guérison d’un enfant « éclos en l’aurore de ses années, » et que la mort avait pensé lui ravir. Avec lui a failli périr tout son bonheur : elle la convie donc justement à une allégresse reconnaissante. Mais tandis que la vérité des émotions et l’accent de la nature auraient suffi pour émouvoir, mademoiselle de Gournay prodigue avec une affectation puérile les antithèses et s’évertue à être spirituelle. C’est àpeine si àtravers ces prétendus ornements de la diction se font jour quelques pensées simples, de beaucoup les meilleures, telles que celle-ci : « L’extrême douleur et l’extrême joie du monde consistent à être mère. » Par une dernière recommandation, adressée à cette mère heureuse, elle l’invite, dans un mouvement mythologique, à payer un tribut de gratitude aux Muses, protectrices de l’enfance et de la beauté, en initiant sa fille à leur commerce, malgré la barbarie des temps.