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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

coutume ; » paroles qui, pour le dire en passant, expliquent et justifient quelques-unes des rigueurs de Richelieu. Sous prétexte d’indépendance, le clergé, qui n’avait pas oublié la Ligue, s’abandonnait en chaire aux plus graves témérités. Qui parlerait dès lors avec circonspection et modestie ? Encouragée par de tels exemples, la légèreté de la parole, qui s’attaquait à tout, n’avait plus de bornes : aisément répandue, plus aisément accueillie, la calomnie était dans toutes les bouches. On se jouait des réputations, on les immolait à plaisir ; enfin, par l’habitude de tout mépriser et de tout braver, on détruisait la notion du devoir, l’idée du respect, la foi même à la vertu. Delà, chez les particuliers, que de haines amassées, qui aboutissaient à des vengeances meurtrières ; dans le public, que d’attentats contre la loi, quel ébranlement des principes sociaux ! C’était là, ce semble, toucher d’une main hardie une plaie du caractère national, une de nos blessures qui n’a pas cessé de saigner. Mademoiselle de Gournay terminait ce morceau chaleureux en faisant appel au prince, pour réprimer de tels désordres, en provoquant sa juste sévérité : car « ; il ne méritait point d’être appelé bon, celui qui n’était pas mauvais aux méchants. »

Les gens d’Église, qui ont eu leur part dans les critiques précédentes, reçoivent une nouvelle atteinte de mademoiselle de Gournay, dans un avis qui les concerne plus directement. Elle reproche à quelques-uns d’entre eux, non plus l’inconséquence de leur langage, mais leur sensualité, qui transformait le dîner du vendredi saint en un repas de luxe et de délices. Grâce à leur