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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

et plus général. L’auteur en déduit cette conséquence sensée, digne de rallier beaucoup d’assentiments, c’est que, pour notre tranquillité et notre bonheur, nous souhaiterons de ne point paraître trop au-dessus des autres hommes, de peur d’alarmer leur amour-propre et d’attirer leurs persécutions.

Des réflexions « sur quelques contes de cour, » placées après ce traité, en semblent d’abord le complément, puisqu’elles roulent, du moins au début, sur le même ordre d’idées. S’il est vrai que tout mérite supérieur ait, comme on vient de le voir, peu de chance d’être goûté, c’est principalement à la cour. Entre autres exemples cités pour le prouver, mademoiselle de Gournay allègue celui de La Boétie, que l’on n’a pas su y mettre au rang qui lui était dû, bien que a le pertinent et gentil auteur du Contr’un fût un si grand homme au témoignage des Essais. » On reconnaît là les griefs ordinaires de mademoiselle de Gournay, peu amie des courtisans : ce qu’elle leur reproche, ce n’est pas seulement d’avoir les yeux blessés de toute espèce d’éclat ; c’est d’être infectés de cet esprit de dénigrement, qui minait les ressorts du pouvoir en détendant chaque jour davantage les liens de l’autorité morale. De là une humeur indocile et une manie d’opposition effrénée (le mal n’est pas nouveau parmi nous), qui, des hautes régions, se répandaient dans le reste du pays. La noblesse inquiète et agitée affectait un dédain superbe pour le trône, toujours prête à la révolte au premier intérêt, au premier caprice qui l’y conviait ; « seule en Europe, elle avait tourné les rébellions en