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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

qu’elle propose au Dauphin est Titus, dont la gloire fut d’être bon, et qu’elle loue avec, une certaine éloquence. À la fin, l’éloge des lettres, dont le goût la préoccupe toujours, reparaît encore sous sa plume : elle souhaite que le prince, dont elle célèbre avec enthousiasme l’illustration future, en soit tout à la fois l’ami et le protecteur, comme Alexandre, comme César, qui, par un juste sentiment de la communauté d’intérêts qu’ils avaient avec la littérature et l’histoire, n’ont cessé de confondre les beaux écrits et les beaux faits dans une égale admiration.

Quand le poignard de Ravaillac arrêta le cours des prospérités de la France, mademoiselle de Gournay se rendit l’organe des regrets du pays. Après avoir déploré cette perte irréparable, et peint en traits énergiques la fureur du peuple acharné contre le meurtrier, elle enseignait à Louis XIII enfant ce qu’il aurait à faire un jour pour consoler la France, privée de son père, et, s’adressant ensuite à la reine régente : « Tu es grande, lui disait-elle ; néanmoins ta charge l’est encore plus que toi ; pour mieux parler, les princes ne sont grands que parce qu’en bien faisant leur charge, elle leur incorpore sa grandeur et son lustre. S’ils ne la font bien, elle accable leur grandeur et leur puissance. » On ne peut nier qu’il n’y ait dans ce langage de la dignité et une certaine force oratoire.

Mademoiselle de Gournay, outre ces publications de circonstance que lui inspira son patriotisme, fut auteur de traités moraux et de dissertations sur divers points de langue et de littérature. Occupons-nous des pre-