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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

marquis, ducs et chefs d’armées ; un habile homme, un homme d’honneur, il ne le peut faire : c’est l’ouvrage du souverain Créateur ; autant élevé par-dessus ces autres ouvrages-là, s’il se pouvait dire, que le Créateur l’est par-dessus le prince. »

Peu après, mademoiselle de Gournay « saluait d’un autre traité la naissance des enfants de France, » en leur adressant, sous forme d’horoscope, des exhortations animées de généreux accents et d’une cordiale chaleur. Elle les avertissait de ce que la nation, fatiguée de ses longues adversités, avait droit d’attendre des rejetons de Henri le Grand. Pour se montrer dignes de leur sang, que de vertus ils auraient à déployer, que de gloire à obtenir ! Par un vieux reste de l’esprit qui avait parmi nous suscité l’héroïsme aventureux des croisades, elle les invitait à tourner leurs regards vers l’empire des Turcs, riche proie qu’elle désignait à leur ambition. Mais, se reprenant ensuite, elle voulait que la sagesse contînt une ardeur trop belliqueuse. Si elle avait mis en avant cette idée de conquête, c’était, ajoutait-elle, « par un essor poétique, sachant que la prudence convie nos princes à entreprises plus utiles. » Revenue à des idées d’une application plus immédiate, elle énumérait les devoirs liés à la haute fortune des fils de France, et prononçait sur leur jeune tête des oracles que l’avenir devait peu se charger de réaliser. Le culte monarchique qui respire dans cet ouvrage n’est pas sans mélange d’un tendre amour du peuple, sur la félicité duquel elle fait reposer, à la façon de nos vieux Français, la grandeur du souverain. Le modèle