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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

leurs enfants. Dans l’opuscule composé à cet effet[1], après avoir établi les avantages d’une institution bien dirigée et l’importance du choix des maîtres appelés à y présider, elle insistait sur l’étude des lettres, dont elle faisait l’apologie. Cet éloge n’a rien de neuf ni d’original. On remarquera seulement, à la suite de préceptes pédantesques, des réflexions judicieuses sur la nécessité de confier à un homme distingué par son mérite, plutôt que par sa naissance, le soin de former l’héritier du trône. Elle se demandait, et c’est à nos yeux la partie la plus saillante de ce morceau, qui pourrait remplir une mission si difficile, et il lui semblait qu’aucun n’en eût été plus digne que son père adoptif, que le grand Montaigne, qui se fût cru propre effectivement, il nous l’a dit lui-même[2], à parler au prince le langage de la vérité. À défaut de l’auteur des Essais, qui s’entendait certes en éducation[3], elle aurait volontiers choisi d’Ossat, récemment nommé cardinal, et qui relevait l’éclat solide de beaucoup de belles qualités par une singulière modestie, se plaisant sans cesse à rappeler « sa basse origine, la pauvreté de sa jeunesse et de ses parents. » Aux yeux de mademoiselle de Gournay, qui sympathise avec ces pensées libérales, la vraie noblesse, la vraie supériorité, n’est pas dans l’illustration de la race, mais dans l’excellence de l’âme, dans les lumières de l’esprit : « Un roi, a-t-elle écrit autre part, sait faire les riches, les puissants, les comtes,

  1. Il a pour titre : De l’éducation des enfants de France.
  2. Essais, III, 13.
  3. Voyez son chapitre : De l’institution des enfants.