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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

publication primitive : je m’y conformerai aussi dans l’examen que je vais en faire.

Dans une épître préliminaire adressée au lecteur, mademoiselle de Gournay commence par s’excuser de la franche simplicité de son œuvre et de son dessein. N’osait-elle pas, avec une confiance téméraire, entreprendre de réformer les mœurs et les jugements publics, à cette saison peu clémente, où « d’une part la pédanterie des savants, de l’autre l’ignorance du monde, avaient décrié les muses en France ? » On sait que les écrivains, et cela très-souvent par représailles, se plaignent volontiers de leur temps. Mademoiselle de Gournay s’annonce comme attendant du sien peu de justice, mais elle a en vue la postérité, dont elle recherche la faveur ; et, fort préoccupée de ses arrêts, elle fait cette déclaration solennelle : « Si ce livre me survit, je défends à toute personne, telle qu’elle soit, d’y ajouter, diminuer, ni changer jamais aucune chose, soit aux mots ou à la substance, sous peine à ceux qui l’entreprendraient d’être tenus pour violateurs d’un sépulcre innocent. Les insolences, voire les meurtres de réputation, qui se font tous les jours en cas pareil dans ce siècle impertinent, me convient à lâcher cette imprécation. »

Reportons-nous actuellement à l’année 1600, qui vit le mariage de Henri IV et de Marie de Médicis. Jusque-là mademoiselle de Gournay n’avait fait paraître que son Promenoir, accompagné de quelques poésies qui seront examinées en dernier lieu. À l’occasion des noces royales, elle publia, sagement prévoyante, des conseils donnés aux époux sur l’éducation future de