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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

On voit en effet, si l’on confère ces impressions successives, qu’animée constamment du désir de se perfectionner, elle ne cessait de corriger ses ouvrages. Dans ces changements continus, outre la preuve d’un soin patient et consciencieux, on découvre un indice frappant des progrès de la langue, qui l’entraînaient, bien qu’un peu malgré elle, ainsi que nous aurons à le remarquer. Elle s’est représentée quelque part inquiète de l’opinion d’autrui sur ses productions, et empressée à recourir aux conseils de la critique : elle paraît en avoir très-réellement profité.

Avec ce coin de singularité que nous lui connaissons, elle intitula sa première édition, l’Ombre de la demoiselle de Gournay, en expliquant sa pensée par cette épigraphe : « L’homme est l’ombre d’un songe, et son œuvre est son ombre. » Cette Ombre, quelque peu compacte, n’a pas moins de douze cents pages in-8o, scrupuleusement remplies. Les Avis ou les présents de la demoiselle de Gournay, tel fut le titre substitué dans les dernières éditions, de format in-4o, qui approchent beaucoup de mille pages[1]. La disposition des travaux est, dans chacune des trois, presque identique, et leur ordre y répond d’ordinaire à celui de leur

  1. Mademoiselle de Gournay ne laissa pas de regretter le premier nom donné au recueil de ses œuvres. Dans un Discours sur son livre, ajouté aux deux dernières éditions, elle observe, au sujet de ce changement du titre d’Ombre, qu’il a eu pour objet « de contenter son libraire, qui craignait, ce semble, les esprits, » mais que son titre était fort bon, car ce livre « était son ombre et son image, puisqu’elle y exprimait la figure de son esprit. »