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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

mis de ne lui être pas contraire, quand nous solliciterons sa réception. »

La compagnie lettrée et savante ne cessa donc jamais, comme le prouve cette anecdote, de priser à sa valeur et de fréquenter mademoiselle de Gournay. On pourrait citer beaucoup d’autres témoignages des égards et de la haute estime que lui accordèrent ses contemporains. Grotius traduisait de ses vers ; Heinsius déclarait que, femme, elle était entrée en lice avec les hommes, et qu’elle les avait vaincus[1] ; Dominique Baudius[2], encore plus hyperbolique, la saluait du nom « de sirène française et dixième muse. » C’était là du baume versé sur les blessures que son amour-propre irritable dut fréquemment recevoir.

En écartant ce que l’enthousiasme naïf de cette époque leur prêtait d’exagéré pour la forme, ces hommages n’avaient d’ailleurs au fond rien que de légitime. Pour achever de le démontrer, il suffit de s’arrêter un moment sur les autres travaux de mademoiselle de Gournay, ceux dont il n’a pas encore été question dans cette étude. Ouvrons, par ce motif, les éditions de ses œuvres réunies ; l’une de 1626, où se trouve déjà à peu près tout ce qu’elle devait nous laisser (il est vrai que l’auteur à cette date avait passé soixante ans), et les suivantes de 1634 et 1641, qui, si elles renferment peu de pièces nouvelles, offrent du moins, dans la reproduction des anciennes, d’importantes améliorations.

  1. Ausa virgo concurrere viris scandit supra viros.
  2. Natif de Lille, il fut célèbre, à la fin du seizième siècle, comme professeur d’éloquence et comme poëte.