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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

nous apprend que mademoiselle de Gournay ne fut pas étrangère à ce minutieux travail, dont Vaugelas a été souvent, dans ses Remarques, le zélé rapporteur. « Il parut de son temps un livre intitulé : le Raffinage de la cour. Cette muse antique (il s’agit de mademoiselle de Gournay), n’ayant aucune familiarité avec ce mot, avait de la peine à le souffrir. Elle se piquait de bon goût, et d’abord raffinage ne put entrer dans le sien. Cependant elle était convaincue qu’il faisait assez entendre ce qu’on voulait dire. Pendant qu’elle le tournait de tous côtés, l’examinant rigoureusement et le prononçant pour se déterminer à le rejeter ou à le retenir, arrivèrent chez elle sept ou huit puristes de ce temps-là, juges souverains de la langue française. Incontinent, elle les pria de mettre à l’examen raffinage, qui lui paraissait un mot un peu hardi. Ces messieurs y consentirent, et, prenant leurs mines graves, le pesèrent, le sondèrent, le prononcèrent, le considérèrent en ses voyelles, en ses consonnes, en ses syllabes, en sa terminaison. Enfin jamais mot ne fut mieux ballotté ; et, quand il eût été question de la chose la plus sérieuse, ils ne s’y fussent pas pris avec une plus forte application. Les uns étaient pour, les autres contre ; et les autres avaient peine à se décider. Durant leurs contestations assez violentes, le pauvre raffinage était dans de furieuses alarmes, et attendait son arrêt de vie ou de mort. Après une longue dispute, ceux qui doutaient dirent qu’avant de faire droit ils seraient bien aises d’entendre prononcer un peu de loin, mais ferme et plus d’une fois, ce mot qui leur semblait extraordi-