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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

et de l’ordinaire de sa table, les curieux trouveront beaucoup d’autres renseignements dans cette pièce étendue et divisée en deux parties. La seconde permet surtout de pénétrer dans la connaissance de ses affaires. Elle s’efforce d’y établir, par de très-minutieux calculs, dont nous ferons grâce au lecteur, que ses embarras de fortune n’étaient que le résultat d’accidents et de pertes qu’on ne pouvait lui imputer ; enfin elle se console des malheurs qui l’ont frappée, en citant ces paroles de l’Ecclésiaste, qu’il faut répéter pour en consoler bien d’autres : Nescio quo fato bonœ mentis soror est paupertas.

À cette apologie[1], destinée à un prélat, il faut joindre une autre pièce en vers, où, revenant sur la plupart des idées qui nous ont déjà occupé, elle ne se défend pas avec moins de chaleur et ne se loue pas avec moins de complaisance. C’est la Peinture de ses mœurs, adressée au président d’Espagnet[2]. Elle y insiste no-

  1. Elle prit grand soin de la répandre et l’adressa notamment à Balzac, comme on le voit par une lettre de celui-ci à mademoiselle de Gournay (IV, 13), datée du 30 août 1624, où il la remercie avec les grands mots qui lui sont ordinaires, et la rassure au sujet des propos publiés sur elle par la calomnie. Il trouve « que ce n’est pas un péché à une femme d’entendre le langage que parlaient autrefois les vestales, » et finit par louer chez elle « cette beauté qui donne de l’amour aux capucins et aux philosophes, et ne s’en est point allée avec sa jeunesse. »
  2. Balzac, dans quelques vers latins sur mademoiselle de Gournay, parait faire allusion à cette pièce :
    Ipsa suae pinxit se virgo coloribus artis :
    Artificis petitur cur aliena manus ?…
    Voyez J. L. Guezii Balzacii Carmina, p. 78, in-4o, 1650.