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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

les médisances et les brocards ont de vil et de honteux ; » et, contre ceux qui s’en rendent coupables, elle rassemble dans ce traité spécial, écrit en prose, tous les traits que lui fournissent les anciens et les modernes. En outre elle a fait son Apologie pour compléter la réfutation de ses adversaires : c’est sa réplique collective aux imputations mensongères dont ils ont voulu noircir sa réputation. Par ce plaidoyer, elle prétend témoigner du moins que, « toujours suivie de l’infortune, elle était digne d’un meilleur sort. » Aux inventions des mauvaises langues elle oppose donc le langage de la vérité, et, se plaignant avec amertume d’être l’objet des froideurs du public, elle recherche la cause de cette disgrâce. C’est à sa pauvreté qu’elle l’attribue, ainsi qu’aux faux dehors que l’on prêtait à son savoir. On la raillait d’être latine[1] ; mais la connaissance du latin l’empêchait-elle de bien posséder le français ? Là-dessus, elle croyait pouvoir avec sécurité renvoyer le lecteur à ses écrits. Quant au reproche qui lui était adressé de pratiquer l’alchimie, elle ne s’en disculpait qu’avec mollesse, ou plutôt elle s’attachait à défendre cet art chimérique. Elle ne refusait pas d’ailleurs de confesser quelques torts : la vanité lui avait fait jadis avoir deux laquais et dépenser cinq cents écus de trop. Toutefois, si elle avait eu carrosse, la faute en était à la saleté du pavé de Paris. À l’égard des habitudes de mademoiselle de Gournav, de son mobilier

  1. On dirait aujourd’hui latiniste : ainsi Molière, Dépit amoureux, II, vii : « Je vous crois grand latin. »