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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

pouvait passer pour n’être ni beau ni laid. Ajoutez que sa physionomie ne démentait pas sa réputation de bel esprit. Elle est représentée en tête des dernières éditions de ses Œuvres[1], et ce dessin, qui remonte à 1596, époque où elle avait trente ans, répond assez bien aux paroles que nous lui avons empruntées. Sans accueillir sur ce point avec une confiance aveugle un témoignage trop intéressé, on conclura volontiers qu’elle avait en réalité moins de beauté que de mérite[2], et ainsi l’on s’expliquera que, dans ses Épigrammes, elle n’épargne pas ceux qui, hors d’état de sentir l’un, n’ont de regards que pour l’autre et n’apprécient que les agréments extérieurs ; mais on ne lui donnera pas, avec quelques médisants, un corps maigre et sec, une figure à l’avenant. L’affection très-vive de Montaigne semble nous garantir qu’il n’en était rien. Pour lui, chez les femmes, il nous en a fait la confidence, la beauté était une qualité fort prisée. Il est vrai qu’aux yeux de l’auteur qu’elle admire une personne jeune et distinguée ne saurait guère manquer d’être belle.

Les attaques et les calomnies, comme on voit, n’ont pas été épargnées à mademoiselle de Gournay ; mais, à ceux qu’elle nomme ses drapeurs, elle a riposté et non pas sans avantage. Parmi eux, il en est un qu’elle poursuit en vers, sous le nom supposé de Lentin. Une réponse plus générale a pour but de montrer « ce que

  1. On peut voir aussi son portrait au cabinet d’estampes de la bibliothèque impériale.
  2. « Sa beauté était plus de l’esprit que du corps, » a dit l’abbé de Marolles, dans ses Mémoires.