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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

grossière de la polémique en usage, ses adversaires, non contents d’injurier l’auteur, attaquèrent l’honneur de la femme ; et ce fut en vain qu’elle demanda, à ce qu’il paraît, par une requête présentée au lieutenant civil, qu’on défendît la vente du libelle où elle était outragée. À ce sujet, on prêta au cardinal du Perron un propos fort peu charitable : si l’on ajoute foi au recueil d’ana publié sous son nom, il eût dit que la figure de la demoiselle la protégeait assez contre des accusations de ce genre. Du Perron, qui fut au nombre des protecteurs et des panégyristes de mademoiselle de Gournay, la voyait sans doute avec des yeux plus indulgents.

Que mademoiselle de Gournay ait été si disgraciée qu’on ne dût pas lui savoir gré de sa vertu, on peut d’ailleurs en douter très-sérieusement. Elle s’est peinte elle-même au physique comme au moral, et son portrait, à l’un et l’autre égard, n’a rien de si fâcheux. On voit, dans une description détaillée qu’elle nous a laissée de sa personne, que sa taille était médiocre et bien faite, qu’elle avait le teint brun, mais clair, les cheveux châtains, et que son visage, de forme ovale,

    sieur de Courbouzon Montgommery, Niort, in-8o, 1610. Quelques critiques ont fait mal à propos deux ouvrages de celui-ci, qui a un double titre. Quant à l’œuvre de mademoiselle de Gournay, qui avait provoqué cette repartie, c’était l’Adieu de l’ami du roi pour la défense des pères jésuites, Lyon, 1610, in-8o. L’un et l’autre livre est devenu fort rare, et l’on s’en console. Pour plus de détails sur cette polémique, on peut voir d’ailleurs Bayle, dans son Dictionnaire, et Jolly, dans ses Remarques critiques sur le Dictionnaire de Bayle, chacun d’eux au nom de Gournay.