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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

ment, ils se plaisaient à effacer nos origines politiques et intellectuelles. Par un goût frivole pour tout ce qui était étranger, ils innovaient contre le génie de l’idiome français ; ils émoussaient sa vivacité antique, ils énervaient sa vigueur. Ennemis de tout son rude, ces prêcheurs de paroles miellées, en proscrivant surtout les consonnes et les voyelles qui se heurtaient dans les mots, en préférant aux plus expressifs et aux plus forts « ceux qui semblaient graissés d’huile pour mieux couler, » appauvrissaient et mutilaient notre langage, au lieu de l’épurer et de le polir. Leur afféterie et leur ignorance élaguaient sans pitié, sous prétexte de l’adoucir, ce qu’il avait de plus pittoresque et de plus hardi.

Outre ces griefs généraux, on reconnaît facilement que mademoiselle de Gournay en a de particuliers contre les courtisans, qu’elle représente encore « comme des artisans de mensonges, tirant gloire de leurs faussetés. » Elle eut de plus l’imprudence de s’attirer d’autres inimitiés, en se mêlant aux querelles religieuses de son temps. Objets de sympathies et de haines ardentes, les jésuites étaient très-vivement assaillis et non moins chaudement défendus. Elle embrassa leur cause et composa un écrit en faveur du célèbre père Coton ; ce qui lui valut, à la vérité, le beau nom d’amazone, que lui a décerné Richeome, mais ce qui l’exposa en revanche aux coups du parti hostile à la compagnie : il ne se fit pas faute de la maltraiter[1]. Avec la violence

  1. La satire dont elle fut l’objet, l’une des suites de l’Anti-Coton, avait pour titre l’Anti-Gournay, ou Remerciment des beurrières de Paris au