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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

moiselle, je vous rends grâce de votre présent, de votre Omble que vous m’avez donnée, je vous en suis bien obligé.

« La pucelle cependant regardait cet homme avec un air dédaigneux.

« — Jamyn, dit-elle, désabusez ce pauvre gentilhomme ; je n’en ai donné qu’à tel et à tel ; qu’à M. de Malherbe et à M. de Racan.

« — Eh ! mademoiselle, c’est moi.

« — Voyez, Jamyn, le joli personnage ! au moins les deux autres étaient-ils plaisants. Mais celui-ci est un méchant bouffon.

« — Mademoiselle je suis le vrai Racan.

« — Je ne sais pas qui vous êtes, répondit-elle, mais vous êtes le plus sot des trois. Merdieu ! je n’entends pas qu’on me raille.

« La voilà en fureur. Racan, ne sachant que faire, aperçoit un recueil de ses vers.

« — Mademoiselle, lui dit-il, prenez ce livre, et je vous dirai tous mes vers par cœur.

« Cela ne l’apaise point : elle crie au voleur ! Des gens montent ; Racan se pend à la corde de la montée, et se laisse couler en bas. Le jour même elle apprit toute l’histoire ; la voilà au désespoir : elle emprunte un carrosse, et le lendemain, de bonne heure, elle va le trouver chez M. de Bellegarde, où il logeait. Il était encore au lit ; il dormait : elle tire le rideau ; il l’aperçoit et se sauve dans un cabinet. Pour l’en faire sortir il fallut capituler. Depuis ils furent les meilleurs amis du monde. Bois-Robert joue cela admirablement ; on