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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

Ici le roman se complique :

« En effet ce seigneur, bien qu’il n’eût connu jusque-là d’autre goût que celui de la guerre et de la chasse, fut d’abord troublé, ensuite subjugué par la beauté d’Alinda : dès lors il ne songea plus qu’à remplacer son ravisseur auprès d’elle. Il saisit l’occasion d’un moment où elle était seule pour lui découvrir sa passion. Celle-ci le repoussa avec une douceur prudente : le cœur plein d’amour pour Léontin, elle comprenait qu’elle était, ainsi que lui, au pouvoir du barbare ; elle s’abstint donc de l’irriter, de le désespérer. Othalque, tel était son nom, put se méprendre par ce motif sur les dispositions où elle était à son égard. Plus charmé que jamais, il redoubla de soins, et s’empressa de tout mettre en œuvre pour éloigner son rival. Un moyen facile de succès se présentait à lui : il avait une sœur dont la grâce avait captivé Léontin, et qui de son côté n’était pas insensible aux charmes de l’étranger ; il imagina de les unir, et ne rencontra des deux côtés aucun obstacle à son projet. Restait Alinda trahie, dont il se préparait à être le consolateur ; mais celle-ci, dès qu’elle eut acquis la certitude de ce cruel abandon, résolut de ne pas y survivre. Loin de se plaindre d’être sacrifiée, elle feignit toutefois de prêter l’oreille aux sollicitations d’Othalque, qui venait lui renouveler l’offre de sa main. Elle le flatta même de l’espoir d’un prompt bonheur ; seulement elle réclamait de lui une complaisance : c’était qu’il donnât l’ordre de tuer dans son lit une vieille servante, dont la langue téméraire, disait-elle, ne l’avait pas épargnée. Il ne coûtait guère à un Thrace d’accor-